Introduction
Acheter à deux, c'est multiplier sa capacité d'emprunt. Acheter à deux depuis l'étranger, c'est aussi multiplier les documents à fournir, les responsabilités juridiques et les questions à anticiper. Le co-emprunt international permet de concrétiser des projets immobiliers ambitieux en France, mais il engage chaque signataire bien au-delà d'une simple "moitié" du prêt.
Contrairement à une idée reçue, emprunter avec votre conjoint, un parent ou un ami ne signifie pas que chacun rembourse uniquement sa part. La solidarité inscrite au contrat vous rend responsable de la totalité de la dette en cas de défaillance de l'autre co-emprunteur. Cette règle prend une dimension particulière quand vous gérez le tout depuis Bangkok, Montréal ou Abu Dhabi.
Ce guide détaille le fonctionnement du co-emprunt pour expatriés, les conditions bancaires spécifiques, la répartition des quotités d'assurance, l'impact du statut matrimonial et les solutions en cas de séparation ou d'imprévu.
Fonctionnement du co-emprunt pour expatriés
Être co-emprunteur signifie signer conjointement le contrat de prêt avec une ou plusieurs autres personnes. Chaque signataire s'engage légalement à rembourser l'intégralité du crédit, pas seulement sa "part". Cette distinction est cruciale pour comprendre vos responsabilités.
Co-emprunteur vs co-acquéreur : une confusion fréquente
Le co-emprunteur apparaît sur le contrat de prêt et s'engage financièrement auprès de la banque. Le co-acquéreur figure sur l'acte de vente et devient propriétaire du bien. Ces deux statuts peuvent coïncider, mais pas toujours.
Selon l'article 2103-2 du Code civil, la somme empruntée doit être destinée à l'acquisition, mais rien n'impose que le co-emprunteur devienne propriétaire. Vous pouvez donc emprunter à deux pour financer l'achat d'un seul acquéreur, par exemple pour aider un proche à augmenter sa capacité d'emprunt.
💡 À retenir : Les banques acceptent rarement cette configuration pour les expatriés. Elles privilégient les situations où co-emprunteurs = co-acquéreurs pour sécuriser leur garantie sur le bien financé.
Le principe de solidarité contractuelle
La solidarité entre co-emprunteurs est systématiquement inscrite dans les contrats de prêt immobilier. Selon les articles 1310 à 1319 du Code civil, cette solidarité signifie que la banque peut exiger de n'importe quel co-emprunteur le remboursement de la totalité des mensualités, et non pas uniquement sa quote-part théorique.
Concrètement : si vous empruntez avec votre conjoint et qu'il cesse de payer sa moitié, vous devrez assumer 100% des remboursements. La banque n'a pas à chercher d'abord à recouvrer auprès du co-emprunteur défaillant. Cette solidarité persiste même en cas de séparation, divorce ou déménagement dans un autre pays.
Qui peut être co-emprunteur depuis l'étranger ?
Vous pouvez emprunter avec :
Votre conjoint(e) marié(e), pacsé(e) ou en union libre
Un membre de votre famille (parent, frère/sœur, enfant majeur)
Un ami ou associé pour un investissement locatif
Les banques acceptent jusqu'à 4 co-emprunteurs maximum, mais plus le nombre augmente, plus le dossier devient complexe à analyser. Pour les expatriés, la configuration la plus courante reste le couple (2 co-emprunteurs), car elle simplifie la gestion documentaire et rassure les établissements prêteurs.
Conditions bancaires spécifiques au co-emprunt international
Le co-emprunt multiplie les exigences : chaque co-emprunteur doit fournir un dossier complet, comme s'il empruntait seul. Cette contrainte administrative s'ajoute aux critères déjà stricts appliqués aux non-résidents.
Documents requis pour chaque co-emprunteur
Les banques françaises exigent les justificatifs suivants pour chaque signataire du prêt :
Identité et situation personnelle :
Passeport ou carte d'identité en cours de validité
Livret de famille
Contrat de mariage ou convention de PACS (le cas échéant)
Justificatif de domicile dans le pays de résidence (moins de 3 mois)
Situation professionnelle et revenus :
Contrat de travail
Bulletins de salaire des 12 derniers mois
Avis d'imposition du pays de résidence ou tax return
Situation financière :
Relevés bancaires des 3 à 6 derniers mois (comptes français ET étrangers)
Justificatifs d'épargne et de patrimoine existant
Tableaux d'amortissement des crédits en cours
⚠️ Attention : Si l'un des co-emprunteurs réside dans un pays nécessitant des traductions certifiées (Chine, Japon, pays arabophones), les délais d'instruction peuvent s'allonger de 4 à 8 semaines supplémentaires.
Apport personnel et capacité d'emprunt cumulée
L'avantage principal du co-emprunt est l'addition des revenus et capacités d'emprunt. Les banques calculent le taux d'endettement global en prenant en compte les revenus des deux co-emprunteurs, permettant d'emprunter un montant supérieur à ce qu'obtiendrait un emprunteur seul.
Apport personnel : Si les banques traditionnelles exigent souvent 30 à 40% du prix d'acquisition pour les non-résidents, Invexa négocie avec ses partenaires bancaires des conditions comparables aux résidents français : entre 10% et 20%. Cet apport couvre les frais de notaire (environ 7-8% dans l'ancien) et une partie du prix d'acquisition.
Le taux d'endettement maximal de 35% s'applique aux revenus cumulés. Si un co-emprunteur gagne 4 000€/mois et l'autre 3 000€/mois, la mensualité maximale autorisée sera de 2 450€ (35% de 7 000€).
✅ Bon à savoir : Certaines banques pondèrent les revenus étrangers selon le pays de résidence et la stabilité de la devise locale. Un salaire de 8 000 USD à New York peut être valorisé différemment d'un salaire équivalent à Bangkok.
Impact du pays de résidence de chaque co-emprunteur
Lorsque les deux co-emprunteurs résident dans le même pays, les banques analysent le dossier comme un profil expatrié standard. La situation se complexifie si les co-emprunteurs vivent dans deux pays différents.
Exemple : vous travaillez à Singapour pendant que votre co-emprunteur est basé à Londres. Les banques devront analyser deux contextes géographiques, deux législations du travail et deux systèmes fiscaux distincts. Cette complexité peut entraîner des refus ou des conditions moins avantageuses.
Les pays considérés comme "favorables" par les banques françaises incluent l'Union Européenne, la Suisse, l'Amérique du Nord, Singapour, Hong Kong et les Émirats Arabes Unis. Pour comprendre l'ensemble des conditions d'obtention d'un crédit immobilier pour expatrié, consultez notre guide complet sur le sujet.
Répartition des responsabilités et assurance emprunteur
L'assurance emprunteur prend une dimension stratégique dans un co-emprunt expatrié. Elle détermine qui paie quoi en cas de décès, invalidité ou incapacité de travail de l'un des co-emprunteurs.
Quotité d'assurance : comment la répartir intelligemment
La quotité d'assurance représente le pourcentage du capital emprunté couvert par l'assurance pour chaque co-emprunteur. Le total peut dépasser 100% : vous pouvez assurer chacun à 100% (quotité totale de 200%), ou répartir différemment selon vos profils et revenus.
Répartitions courantes :
100% + 100% (200% au total) → Couverture maximale. En cas de décès d'un co-emprunteur, le prêt est intégralement remboursé. Recommandé si les revenus sont équilibrés.
70% + 30% → Couverture adaptée aux revenus inégaux. Le co-emprunteur à 70% finance la majorité, le survivant continue de payer sa part (30%).
50% + 50% → Économie de coût, mais risque élevé. Si l'un décède, le survivant doit rembourser 50% du capital restant dû.
💡 À retenir : Pour les expatriés, l'assurance à 200% (100% chacun) est fortement recommandée. Les surprimes liées au pays de résidence sont souvent inférieures au risque financier assumé par le survivant avec une couverture partielle. Consultez notre guide sur l'assurance emprunteur expatrié pour optimiser votre couverture.
Clause de solidarité et conséquences pratiques
La solidarité inscrite au contrat signifie que si l'un des co-emprunteurs cesse de payer, l'autre doit immédiatement compenser. La banque n'attend pas, ne négocie pas : elle prélève sur les comptes du co-emprunteur solvable ou déclenche des procédures de recouvrement contre les deux.
En cas de non-paiement prolongé, les conséquences incluent :
Blocage des comptes bancaires
Inscription au FICP (Fichier des Incidents de remboursement des Crédits aux Particuliers)
Saisie sur salaire via procédure judiciaire
Saisie du bien immobilier en dernier recours
Depuis l'étranger, la gestion de ces impayés devient encore plus complexe : décalage horaire pour joindre la banque, virements internationaux urgents, difficulté à obtenir des délais de paiement. Anticipez ces situations en établissant un fonds de sécurité équivalent à 6 mois de mensualités.
Configuration mixte : 1 expatrié + 1 résident français
Cette situation hybride simplifie certaines démarches. Le co-emprunteur résident en France rassure la banque car elle maintient un contact local et peut gérer les urgences administratives. Le dossier bénéficie souvent de conditions intermédiaires entre un dossier 100% expatrié et un dossier 100% résident.
Attention toutefois : la solidarité s'applique dans les deux sens. Si l'expatrié cesse de payer (perte d'emploi, rapatriement d'urgence), le résident français devra assumer seul les mensualités, même s'il gagne moins ou si l'achat visait principalement l'expatrié.
Statut matrimonial et régimes juridiques
Votre situation matrimoniale impacte directement la solidarité du prêt et la propriété du bien acquis. Le droit français distingue plusieurs cas de figure aux conséquences différentes.
Couples mariés : solidarité automatique
L'article 220 du Code civil instaure une solidarité automatique entre époux, même si un seul signe le prêt. Dans la pratique, les banques exigent presque toujours que les deux conjoints co-signent pour un achat immobilier, sauf régime matrimonial de séparation de biens.
Régimes matrimoniaux et leurs impacts :
Communauté réduite aux acquêts (régime par défaut) → Le bien acheté devient automatiquement commun, propriété 50/50, quelle que soit la contribution de chacun.
Séparation de biens → Chaque époux conserve la propriété de ses revenus et acquisitions. La répartition du bien doit être précisée dans l'acte notarié (ex : 60/40 selon les apports).
Communauté universelle → Tous les biens, présents et futurs, sont communs. Simplifie la transmission mais peut compliquer certains montages patrimoniaux.
PACS et union libre : des règles différentes
Pour les couples pacsés, la règle dépend de la date de signature du PACS :
PACS signé après le 31 décembre 2006 → Régime de séparation de biens par défaut. Chacun reste propriétaire selon sa quote-part définie dans l'acte.
PACS signé avant 2007 → Régime d'indivision automatique 50/50, sauf clause contraire.
Les couples en union libre ne bénéficient d'aucune solidarité automatique. La solidarité du prêt s'applique uniquement si elle est explicitement mentionnée dans le contrat. La propriété du bien se gère en indivision : chaque acquéreur détient une quote-part proportionnelle à son apport ou selon répartition convenue.
Indivision vs SCI : structurer intelligemment
L'indivision est le régime par défaut quand plusieurs personnes achètent ensemble. Simple à mettre en place, elle présente des limites pour la gestion (décisions à l'unanimité) et la transmission (droits de succession élevés).
La Société Civile Immobilière (SCI) offre une alternative structurée, particulièrement adaptée aux expatriés. Elle permet de dissocier la propriété des parts sociales de la gestion du bien, facilite la transmission progressive et optimise la fiscalité selon les objectifs patrimoniaux. Découvrez comment créer une SCI en tant qu'expatrié pour sécuriser votre investissement.
Gestion des risques et solutions en cas de séparation
La distance géographique complique la gestion des situations conflictuelles. Anticiper les scénarios de rupture ou d'imprévu permet d'éviter des blocages administratifs et financiers coûteux.
Désolidarisation du prêt : une procédure complexe
La désolidarisation permet de retirer un co-emprunteur du contrat de prêt, mais elle nécessite l'accord de la banque qui n'est jamais acquis. Selon les articles 1310 à 1319 du Code civil, la solidarité persiste jusqu'au remboursement complet, sauf modification contractuelle acceptée par le créancier.
Conditions d'acceptation par la banque :
Le co-emprunteur restant doit démontrer sa capacité à rembourser seul (revenus suffisants, taux d'endettement < 35%)
Une garantie supplémentaire peut être exigée (hypothèque, nantissement d'assurance-vie, caution d'un tiers)
Le co-emprunteur sortant peut devoir apporter des compensations financières
Depuis l'étranger, cette procédure nécessite :
Envoi d'une lettre recommandée avec AR à la banque
Fourniture de justificatifs actualisés pour le co-emprunteur restant
Signature d'un avenant au contrat de prêt, souvent par procuration notariée
⚠️ Attention : Les délais varient de 2 à 6 mois. La banque peut refuser si les garanties sont insuffisantes, même en cas de divorce ou de séparation officialisée.
Rachat de soulte : qui garde le bien ?
Le rachat de soulte consiste à racheter la part du co-emprunteur et co-acquéreur sortant. Cette opération nécessite souvent un nouveau financement pour dégager la trésorerie nécessaire.
Exemple chiffré :
Bien acheté 300 000€, capital restant dû de 200 000€, valeur actuelle de 320 000€.
Quote-part du sortant : 50% de 320 000€ = 160 000€
Montant du rachat : 160 000€ - (50% de 200 000€ remboursés par l'assurance ou l'acquéreur) = 60 000€ minimum à verser + refinancement de sa part du prêt restant.
Les banques analysent cette demande comme un nouveau prêt. Le co-emprunteur restant doit prouver sa capacité d'emprunt augmentée, ce qui peut être difficile depuis l'étranger si ses revenus sont en devise étrangère ou si son contrat de travail a évolué.
Vente du bien : solution de dernier recours
La vente permet de solder définitivement le prêt et de mettre fin à la solidarité. Le produit de la vente rembourse le capital restant dû, les éventuelles pénalités de remboursement anticipé, puis le solde est réparti entre les co-acquéreurs selon leurs quotes-parts.
Cas particuliers à anticiper :
Moins-value immobilière → Si le bien se vend moins cher que le capital restant dû, les co-emprunteurs doivent combler la différence proportionnellement.
Marché difficile → Le bien peut rester longtemps en vente, pendant lequel les mensualités continuent de courir. Anticipez un délai de 6 à 18 mois selon le marché local.
Frais de vente → Comptez 7 à 10% du prix de vente (commission agence, diagnostics).
✅ Bon à savoir : Certains prêts appliquent des pénalités de remboursement anticipé (IRA) limitées à 6 mois d'intérêts ou 3% du capital restant dû. Vérifiez votre contrat avant d'engager une vente.
Conclusion
Le co-emprunt international offre l'opportunité de concrétiser votre projet immobilier en France en mutualisant les capacités d'emprunt. Deux points essentiels à retenir : la solidarité vous engage chacun sur la totalité de la dette (pas seulement votre "part"), et chaque co-emprunteur doit fournir un dossier complet conforme aux exigences bancaires françaises.
La répartition intelligente des quotités d'assurance et l'anticipation des scénarios de séparation ou d'imprévu sécurisent votre investissement. Selon votre situation matrimoniale et vos objectifs patrimoniaux, des structures juridiques comme la SCI peuvent optimiser la gestion et la transmission.
Chez Invexa, nous accompagnons les expatriés dans le montage de leurs dossiers de co-emprunt, en négociant des conditions d'apport comparables aux résidents français (10 à 20%) et en coordonnant l'ensemble des intervenants depuis votre pays de résidence. Nos experts analysent votre situation spécifique pour identifier les meilleures stratégies de financement et de protection.
Concrétisez votre projet immobilier sereinement, même à distance : contactez nos conseillers Invexa pour une étude personnalisée de votre dossier de co-emprunt international.









